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Sur cette vaste place de commerce, les Chinois finissent toujours par faire fortune, et lez Tartares par se ruiner. Tolon-Noor est comme une monstrueuse pompe pneumatique, qui réussit merveilleusement à faire le vide dans les bourses mongoles.

Les magnifiques statues en fer et en airain qui sortent des grandes fonderies de Tolon-Noor sont renommées, non-seulement dans toute la Tartarie, mais encore dans les contrées les plus reculées du Thibet. Ses immenses ateliers envoient dans tous les pays soumis au culte de Bouddha des idoles, des cloches, et divers vases usités dans les cérémonies idolâtriques. Les petites statues sont d’une seule pièce, mais les grandes sont coulées par parties, qui sont ensuite soudées ensemble. Pendant que nous étions à Tolon-Noor, nous vîmes partir pour le Thibet un convoi vraiment monstrueux : c’était une seule statue de Bouddha, chargée par pièces sur quatre-vingt-quatre chameaux. Un prince du royaume de Oudchou-Mourdchin, allant en pèlerinage à Lha-Ssa, devait en faire hommage au Talé-Lama.

Nous profitâmes de notre passage à Tolon-Noor pour faire exécuter un Christ sur un magnifique modèle en bronze, venu de France. On l’avait si bien réussi, qu’il était assez difficile de pouvoir distinguer la copie du modèle. Ces ouvriers chinois travaillent promptement, à bon marché, mais surtout avec une étonnante complaisance ; ils sont bien loin d’avoir l’amour-propre et l’entêtement de certains artistes d’Europe. Toujours ils se conforment au goût de leurs pratiques, et font aisément le sacrifice de leurs propres idées. Ils font d’abord leur ouvrage en pâte ;