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entrâmes, et un long corridor nous conduisit dans une salle spacieuse, où étaient distribuées avec ordre et symétrie de nombreuses petites tables. Nous nous assîmes et aussitôt on vint placer une théière devant chacun de nous ; c’est le prélude obligé de tous les repas. Il faut boire beaucoup, et boire toujours bouillant, avant de prendre la moindre chose. Pendant qu’on est ainsi occupé à se gonfler de thé, on reçoit la visite de l’intendant de la table. C’est ordinairement un personnage aux manières élégantes, et doué d’une prodigieuse volubilité de langue ; il connaît du reste tous les pays et les affaires de tout le monde. Il finit cependant par vous demander l’ordre du service ; à mesure qu’on énonce les plats qu’on désire, il en répète les noms en chantant, afin de l’annoncer au gouverneur de la marmite. On est servi avec une admirable promptitude ; mais, avant de commencer le repas, l’étiquette exige qu’on se lève et qu’on aille inviter à la ronde tous les convives qui se trouvent dans la salle. Venez, venez tous ensemble, leur crie-t-on en les conviant du geste, venez boire un petit verre de vin et manger un peu de riz. — Merci, merci, répond l’assemblée, venez plutôt vous asseoir à notre table, c’est nous qui vous invitons. — Après cette formule cérémonieuse, on a manifesté son honneur, comme on dit dans le pays, et on peut prendre son repas en homme de qualité.

Aussitôt qu’on se lève pour partir, l’intendant de la table paraît ; pendant qu’on traverse la salle, il chante de nouveau la nomenclature des mets qu’on a demandés, et termine en proclamant la dépense totale, d’une voix haute et intelligible. On passe ensuite au bureau, et on verse à