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qu’on s’était décidé à leur tirer l’horoscope, ne balancèrent pas à rebrousser chemin. Aussitôt qu’ils furent à portée de la voix : « Mes frères Mongols, leur cria Samdadchiemba, à l’avenir soyez plus prudents ; veillez exactement auprès de vos troupeaux, et on ne vous volera pas. Retenez bien ces paroles, car elles valent mieux que toua les horoscopes du monde… » Après cette petite allocution, il rentra gravement dans la tente, et alla auprès du foyer continuer de boire son thé.

Nous fûmes tout d’abord contrariés de ce singulier procédé ; mais comme les deux cavaliers n’en parurent pas choqués, nous finîmes par en rire. « Voilà qui est singulier, grommelait Samdadchiemba ; ces Mongols ne se donnent pas la peine de veiller sur leurs animaux ; et puis, quand on les leur a volés, ils courent partout se faire tirer des horoscopes. Personne ne leur parle franchement comme nous ; les Lamas les entretiennent dans cette crédulité, qui est pour eux une source d’un bon revenu. Au reste, ajouta Samdadchiemba, en faisant un geste d’impatience, il n’y a pas moyen de faire autrement. Si vous leur dites que vous ne savez pas tirer l’horoscope, ils ne vous croient pas ; ils demeurent convaincus qu’on est peu disposé à les obliger. Pour se débarrasser d’eux, le plus court parti c’est de leur donner une réponse à l’aventure… » À ces mots, Samdadchiemba se prit à rire, mais d’un rire si expansif, que ses petits yeux en furent totalement masqués. « Est-ce que, par hasard, lui dîmes-nous, tu aurais quelquefois tiré l’horoscope ? — J’étais encore bien jeune ; j’avais tout au plus quinze ans ; je traversais alors la bannière rouge du Thakar. Je fus appelé par quelques Mon-