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réunie l’armée des mineurs ; son char fui bientôt environné ; on la contraignit brutalement d’en descendre, et ce ne fut que par le sacrifice de ses joyaux, qu’elle put obtenir de continuer sa route. De retour dans sa demeure, la reine manifesta hautement son indignation ; elle reprocha amèrement au roi sa lâcheté : Quelle honte ! disait-elle, dans votre royaume, votre épouse même ne peut maintenant voyager en sûreté ! Le roi de Ouniot, piqué de ces reproches, convoqua les hommes de ses deux bannières et marcha incontinent contre les mineurs ; ceux-ci ayant l’avantage du terrain et du nombre se défendirent longtemps ; mais enfin ils furent enfoncés par la cavalerie Tartare qui en fit une horrible boucherie. Un grand nombre alla chercher une retraite dans l’intérieur de la mine ; les Mongols s’en aperçurent, et en bouchèrent l’entrée avec de grosses pierres. Pendant plusieurs jours on entendit les hurlements de ces malheureux ; mais on n’en eut pas pitié, et on les laissa mourir dans cet affreux réduit. Ceux qu’on prit vivants furent conduits au roi, qui leur fit crever les yeux et les laissa ensuite aller.

Nous venions de quitter le royaume de Gechekten pour entrer dans le Thakar, lorsque nous rencontrâmes un camp militaire, où stationnent quelques soldats Chinois chargés de veiller à la sûreté publique. L’heure de camper était venue ; mais ces soldats, au lieu de nous rassurer par leur présence, ne faisaient, au contraire, qu’accroître nos craintes, car nous savions qu’ils étaient eux-mêmes les plus hardis voleurs de la contrée. Nous allâmes donc nous blottir entre deux rochers, où nous trouvâmes juste ce qu’il fallait de place pour dresser notre tente. A peine eûmes-nous achevé