Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 1.djvu/42

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le Tartare, en portant ses deux mains jointes au front. L’ayant invité à boire une tasse de thé, il attacha son cheval à un clou de la tente, et vint prendre place autour du foyer. Seigneurs Lamas, nous dit-il aussitôt qu’il fut assis, sous quelle partie du ciel êtes-vous nés ? — Nous sommes du ciel d’occident. Et toi, quelle est ta patrie ? — Ma pauvre ïourte est vers le nord, au fond de cette grande vallée qui est à notre droite. — Ton pays de Gechekten est un beau pays. Le Mongol secoua la tête avec tristesse, et ne répondit pas. — Frère, ajoutâmes-nous, après un moment de silence, la terre des herbes est encore très-étendue dans le royaume de Gechekten. Ne vaudrait-il pas mieux ensemencer vos prairies ? Que faites-vous de ces pays incultes ? de belles moissons ne sont-elles pas préférables à ces herbes ? Il nous répondit avec un ton de conviction profonde : Les Mongols sont faits pour vivre sous la tente et faire paître les troupeaux. Tant que cet usage s’est conservé dans notre royaume de Gechekten, nous avons été riches et heureux. Maintenant, depuis que les Mongols se sont mis à cultiver la terre et à bâtir des maisons, ils sont devenus pauvres. Les Kitat (Chinois) ont envahi le pays. Troupeaux, terres, maisons, tout a passé entre leurs mains. Il nous reste encore quelques prairies ; c’est là que vivent encore sous la tente ceux des Mongols qui n’ont pas été forcés par la misère à émigrer dans d’autres contrées. — Puisque les Chinois vous sont si funestes, pourquoi les avez-vous laissés pénétrer dans votre pays ? — Cette parole est une vérité ; mais vous ne l’ignorez pas, Seigneurs Lamas, les Mongols sont simples ; ils ont le cœur faible. Nous avons eu pitié de ces méchants Kitat, qui sont venus en