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Nous passâmes sans nous y arrêter, et nous allâmes dresser notre tente sur les bords d’un petit étang. Nous étions dans le royaume de Gechekten, pays coupé de collines, et arrosé par de nombreux ruisseaux. Les pâturages et le bois de chauffage s’y rencontrent partout en abondance. Mais les voleurs désolent incessamment ces malheureuses contrées. Les Chinois les ont envahies depuis longtemps, et en ont fait comme l’asile de tous les malfaiteurs. Habitant de Gechekten est devenu maintenant synonyme d’homme sans foi ni loi, qui n’a horreur d’aucun meurtre, et ne recule devant aucun crime. On dirait que, dans ce pays, la nature a vu avec regret les hommes empiéter sur ses droits. Partout où la charrue a passé, le terrain est devenu triste, aride et sablonneux. On n’y récolte que de l’avoine, dont les habitants se nourrissent habituellement. Dans le pays, il n’y a qu’un seul endroit de commerce, appelé en mongol Altan-Somé (temple d’or). C’était d’abord une grande lamaserie qui contenait près de deux mille Lamas. Peu à peu les Chinois s’y sont transportés, pour trafiquer avec les Tartares. En 1843, nous eûmes occasion de visiter ce poste ; il avait déjà acquis l’importance d’une ville. Une grande route part de Altan-Somé, et se dirige vers le nord. Elle traverse le pays des Khalkha, le fleuve Keroulan, les monts Kinggan, et va jusqu’à Nertechinck, ville de la Sibérie.

Le soleil venait de se coucher, et nous étions occupés dans l’intérieur de la tente à faire bouillir notre thé, lorsque Arsalan nous avertit par ses aboiements de la venue d’un étranger. Bientôt nous entendîmes le trot d’un cheval, et un cavalier parut à la porte. — Mendou ! nous cria