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avec fidélité. Le plus souvent, il précédait de quelques pas la caravane, comme pour nous indiquer la route, qui, du reste, paraissait lui être assez familière.

Après deux journées de marche, nous arrivâmes au pied d'une chaîne de montagnes dont les cimes allaient se perdre dans les nues. Nous les gravîmes avec courage, espérant qu'au delà nous rencontrerions le fleuve Jaune. Cette journée de marche fut très-pénible, surtout pour les chameaux, qui devaient sans cesse marcher sur des rochers durs et aigus. Aussi, après quelques instants, leurs pieds charnus étaient-ils tout ensanglantés. Quant à nous, nous fûmes peu sensibles à la peine que nous éprouvions. Nous étions trop occupés à considérer l'aspect étrange et bizarre des montagnes que nous parcourions.

Dans les gorges, et au fond des précipices formés par ces hautes montagnes, on n'aperçoit que de grands entassements de mica et de pierres lamellées, cassées, broyées, et souvent comme pulvérisées. Tous ces débris d'ardoises et de schistes, paraissent avoir été charriés dans ces gouffres par de grandes eaux ; car ils n'appartiennent nullement à ces montagnes, qui sont de nature granitique. A mesure qu'on avance vers la cime, ces monts affectent des formes de plus en plus bizarres. On voit de grands quartiers de rochers roulés et entassés les uns sur les autres, et comme étroitement cimentés ensemble. Ces rochers sont presque partout incrustés de coquillages, et de débris de plantes semblables à des algues marines ; mais ce qu'il y a de plus remarquable, c'est que ces masses granitiques sont découpées, rongées et usées dans tous les sens. De tout côté, on ne voit que des cavités, des trous qui serpentent par