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les chameaux, le cou tendu et les yeux effarés, ne perdaient pas un instant de vue l'endroit d'où partaient ces cris sauvages.

Pour tâcher de savoir au juste avec qui nous avions affaire, nous délayâmes une poignée de farine d'avoine dans une des pièces de notre vaisselle de bois ; nous la plaçâmes à l'entrée de la tente, et nous rentrâmes. Bientôt nous vîmes l'animal s'avancer à pas lents, s'arrêter, puis avancer encore. Enfin il aborda franchement le plat et lapa avec vitesse le souper que nous lui avions préparé. Il nous fut alors facile de reconnaître un chien. Il était d'une grosseur prodigieuse. Après avoir bien nettoyé et récuré de sa langue son assiette de bois, il se coucha sans façon à l'entrée de la tente ; nous suivîmes son exemple, et nous nous endormîmes avec calme, contents d'avoir rencontré un protecteur au lieu d'un ennemi.

Le matin, à notre réveil, nous pûmes considérer au grand jour et à loisir ce chien qui, après nous avoir tant effrayés, s'était livré à nous avec un entier abandon. Il était de couleur rousse, et d'une taille extraordinairement grande ; l'état de maigreur dans lequel il se trouvait témoignait qu'il s'était égaré déjà depuis longtemps. Une jambe disloquée, et qu'il traînait en marchant, donnait à son allure un certain balancement qui avait quelque chose de formidable. Mais il était surtout effrayant, quand il faisait résonner le timbre de sa voix caverneuse et sauvage. Nous ne pouvions l'entendre, sans nous demander si l'être que nous avions sous les yeux appartenait bien réellement à la race canine.

Nous nous mîmes en route, et le nouvel Arsalan nous accompagna