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trouver le secret de rendre cette eau bonne ... Samdadchiemba nous accabla de bizarres questions sur les choses de la nature. A propos de la purification d'eau que nous venions de faire, il nous demanda si en se frottant bien la figure avec du charbon il parviendrait à la rendre aussi blanche que la nôtre ; puis se prenant à regarder ses mains encore toutes noires, à cause du charbon qu'il avait pulvérisé tout à l'heure, il se mit à rire aux éclats.

Il était déjà nuit quand nous achevâmes la distillation de notre eau. Nous fîmes du thé en abondance, et la soirée se passa à boire. Nous nous contentâmes de délayer quelques pincées de farine d'avoine dans notre boisson ; car la soif ardente dont nous étions dévorés avait absorbé le désir de manger. Après avoir bien noyé nos entrailles, désséchées par une longue journée de marche, nous songeâmes à prendre un peu de repos.

A peine fûmes-nous couchés, qu'un bruit inattendu et extraordinaire vint tout à coup nous jeter dans la stupeur. C'était un cri lugubre, sourd et prolongé, qui semblait se rapprocher insensiblement de notre tente. Nous avions entendu les hurlements des loups, les rugissements des tigres et des ours ; mais ce qui frappait nos oreilles, en ce moment, n'était comparable à rien de tout cela. C'était comme le mugissement d'un taureau, mêlé d'un accent si étrange et si inusité, que nous en avions le cœur plein d'épouvante. Nous étions d'autant plus surpris de cette rencontre, que tout le monde s'accordait à dire qu'il n'existait pas une seule bête féroce dans tout le pays des Ortous. .