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au froid, comme disent les Chinois. Nous prîmes quelques petits pains dans le sac des provisions, et nous dirigeant vers la forêt de l’empereur, nous cherchâmes à assaisonner au moins notre repas d’une agréable promenade.

Notre premier souper de la vie nomade fut moins triste que nous l’avions craint tout d’abord. La providence nous fit rencontrer dans la forêt des fruits délicieux, des Ngao-lu-Eul et des Chan-ly-Houng. Le premier de ces fruits est une espèce de cerise sauvage, mais dont le goût est très-agréable. Il croît sur une petite tige qui n’a guère que quatre ou cinq pouces de hauteur. Le Chan-ly-Houng est une toute petite pomme, rouge ponceau, et d’une saveur aigrelette ; on en fait une compote vraiment succulente. L’arbre qui produit le Chan-ly-Houng est petit, mais très-rameux.

La forêt impériale comprend plus de cent lieues du nord au midi, et près de quatre-vingts de l’est à l’ouest. L’empereur Khan-Hi, dans une de ses expéditions en Mongolie, la détermina pour le lieu de ses chasses. Il s’y rendait tous les ans ; et les empereurs qui lui ont succédé ont toujours suivi son exemple jusqu’à Kia-King, qui, durant une partie de chasse, fut frappé de la foudre à Ge-ho-Eul, Il y a maintenant vingt-sept ans que ces grandes chasses sont interrompues. Tao-Kouang, fils et successeur de Kia-King, s’est persuadé qu’une fatalité de mort était désormais attachée aux exercices de la chasse. Depuis qu’il est monté sur le trône, il n’a jamais mis le pied à Ge-ho-Eul, qu’on pourrait regarder comme le Versailles des potentats chinois. Cependant la forêt et les animaux qui l’habitent n’y ont pas gagné. Malgré la peine d’exil perpétuel portée contre