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Ortous, sur les bords mêmes du fleuve Jaune.

La nuit était d'une obscurité profonde : toutefois nous jugeâmes à propos d'aller promptement à la recherche de nos chevaux, pendant que Samdadchiemba nous préparait le souper. Nous errâmes longtemps, et dans toutes les directions, sans rien rencontrer : souvent nous nous arrêtions, pour écouter si nous n'entendrions pas le bruit des grelots qui étaient suspendus au cou du cheval ; mais nous avions beau prêter l'oreille, rien ne venait jamais interrompre le silence profond du désert. Cependant nous allions toujours sans nous décourager, toujours dans l'espoir de retrouver ces animaux, qui nous étaient si nécessaires, et dont la perte nous eût jetés dans un grand embarras. Quelquefois il nous semblait vaguement entendre dans le lointain le tintement des grelots :alors nous nous couchions à plat-ventre, et nous appliquions l'oreille contre terre, pour saisir plus facilement le moindre bruit qui pourrait se faire ; mais tout était inutile, toutes nos recherches étaient infructueuses.

La crainte de nous égarer nous-mêmes, pendant une nuit obscure, dans un pays dont nous n'avions pu examiner de jour la position, nous fit naître la pensée de rebrousser chemin. Mais quelle ne fut pas notre consternation, lorsqu'en nous retournant nous aperçûmes au loin, vers l'endroit où nous avions dressé la tente, s'élever une grande flamme mêlée d'épais tourbillons de fumée. Nous ne doutâmes pas un seul instant, que Samdadchiemba s'était mis aussi de son côté à la recherche des chevaux, et que, pendant son absence, le feu avait pris à la tente. Oh ! que ce moment fut triste et décourageant pour nous ! Au milieu du désert, à deux mille lis de distance de nos chrétientés.