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depuis longtemps. Les bestiaux qui se tenaient à l'écart, voyant venir leurs pasteurs, accoururent à la hâte, et bientôt tous se groupèrent à l'entour du puits, dans l'attente de se désaltérer. Cette grande réunion d'animaux si nombreux, et de caractères si différents, produisait une agitation, un tumulte auxquels nous étions peu accoutumés au milieu des solitudes silencieuses du désert, et c'est peut-être à cause de son étrangeté, que cette activité désordonnée était pour nous pleine de charmes. Nous aimions à voir ces chevaux indomptés, se pousser, se ruer, pour arriver les premiers à l'abreuvoir ; puis, au lieu de boire en paix se mordre, se quereller, abandonner enfin l'eau pour aller se poursuivre dans la plaine. La scène était surtout amusante et pittoresque, lorsqu'un énorme chameau venait jeter l'épouvante autour du puits, et éloigner le vulgaire par sa présence despotique.

Les pasteurs Mongols étaient au nombre de quatre ; pendant que deux d'entre eux, armés d'une longue perche, couraient çà et là, pour essayer de mettre un peu d'ordre parmi les troupeaux, les deux autres puisaient l'eau d'une manière qui excita grandement notre surprise. D'abord l'instrument dont on se servait en guise de seau, nous parut passablement remarquable ; c'était une peau de bouc tout entière, solidement nouée aux quatre pattes et n'ayant d'ouverture qu'au cou. Un gros cercle tenait l'orifice évasé ; une longue et forte corde en poil de chameau était attachée à un morceau de bois qui coupait le cercle diamétralement ; la corde tenait par un bout à la selle d'un cheval que montait un Tartare ; et lorsqu'on était parvenu à remplir cette monstrueuse outre, le cavalier poussait