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font une entaille au cou ; nous autres, nous allons droit au cœur. Selon notre méthode, l'animal souffre moins, et tout le sang se conserve proprement dans l'intérieur.

Dès que la transmigration eut été opérée, personne n'eut plus de scrupule. Notre Dchiahour et le Lama tartare retroussèrent aussitôt leurs manches, et vinrent en aide au petit boucher. L'animal fut écorché avec une admirable célérité. Pendant ce temps, la vieille tartare avait fait chauffer de l'eau plein les deux marmites. Elle s'empara des entrailles, les lava à peu près, et puis, avec le sang qu'elle puisait dans l'intérieur du mouton au moyen d'une grande cuillère de bois, elle confectionna des boudins, dont la base était l'inévitable farine d'avoine. — Seigneurs Lamas, nous dit le petit homme noir, faut-il désosser le mouton ? — Sur notre réponse affirmative, il le fit accrocher à une des colonnes de la tente, car il n'était pas de taille à faire lui seul cette opération ; il se dressa ensuite sur une grosse pierre, et promenant rapidement son couteau autour des ossements, il détacha, d'une seule pièce, toutes les chairs, de manière à ne laisser suspendu à la colonne qu'un squelette bien décharné et bien poli.

Pendant que le petit homme noir avait, suivant son expression, mis en ordre la viande de mouton, le reste de la troupe nous avait préparé un gala à la façon tartare. Le jeune Lama était l'ordonnateur de la fête. — Voyons, s'écria-t-il, que tout le monde se place en rond, on va vider la grande marmite. — Aussitôt chacun s'assit sur le gazon. La vieille Mongole plongea ses deux mains dans la marmite, qui bouillait tout à côté, et en retira tous les intestins ; le foie, le coeur ; les poumons, la rate et les entrailles