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s, des épines, des racines d'arbre, sans se blesser. Cependant, à la longue, quand on lui impose des marches forcées, sans lui donner quelques jours de repos, sa semelle finit par s'user, la chair vive est mise à nu, et le sang coule. Dans cette circonstance fâcheuse, les Tartares lui font des souliers avec des peaux de mouton. Mais si la route doit se prolonger encore longtemps, tout devient inutile, il se couche, et on est obligé de l'abandonner.

Il n'est rien que le chameau redoute comme les terrains humides et marécageux. Quand il pose son pied dans la boue, il glisse ; et, après avoir chancelé quelque temps comme un homme ivre, il tombe lourdement sur ses flancs.

Pour se reposer, il s'accroupit, replie symétriquement ses quatre jambes sous son corps, et tient le cou allongé en avant à ras de terre. Dans cette posture, on le prendrait volontiers pour un énorme limaçon.

Chaque année, vers la fin du printemps, il se dépouille de son poil. Il le perd complètement et jusqu'au dernier brin, avant que le nouveau renaisse. Pendant une vingtaine de jours, il reste tout-à-fait nu, comme si on l'eût rasé avec soin depuis le sommet de la tête jusqu'à l'extrémité de la queue. Alors, il est très-sensible à la moindre froidure et à la plus petite pluie. On le voit se pelotonner, et grelotter de tous ses membres, comme ferait un homme exposé sans habits à un froid rigoureux. Insensiblement, le poil revient. D'abord, c'est une laine légère, frisée, d'une finesse et d'une beauté extrêmes ; enfin, quand la fourrure est devenue longue et épaisse, le chameau peut braver les frimas les plus terribles. Il fait ses délices de marcher contre le vent du nord, ou de se tenir immobile sur