Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 1.djvu/348

Cette page n’a pas encore été corrigée

la douzième lune, à l'époque du rut. Alors, leurs yeux deviennent d'un rouge enflammé, il suinte de leur tête une humeur oléagineuse et fétide, leur bouche écume sans cesse, ils ne mangent ni ne boivent absolument rien. Dans cet état d'effervescence, ils se précipitent sur tout ce qu'ils rencontrent, hommes ou animaux, avec une vitesse qu'il est impossible d'éviter. Aussitôt qu'ils ont atteint l'objet poursuivi, ils l'écrasent et le broyent sous le poids de leur corps. Passé cette époque, le chameau revient à sa douceur ordinaire, et reprend paisiblement le cours de sa laborieuse carrière.

Les femelles ne font de petit, qu'à leur sixième ou septième année ; elles portent pendant quatorze mois. Les Tartares châtrent la plus grande partie de leurs chameaux mâles, qui acquièrent, par cette opération, un plus grand développement de force, de taille et d'embonpoint. Leur voix devient excessivement grêle et douce. Quelques-uns la perdent même presque complètement. Leur poil est ordinairement plus court et moins rude que celui des chameaux entiers.

La mauvaise grâce du chameau, la puanteur extrême de son haleine, la maladresse et la lourdeur de ses mouvements, la saillie de ses lèvres fendues en bec de lapin, les callosités qui garnissent certaines parties de son corps, tout contribue à lui donner un aspect repoussant ; mais son extrême sobriété, la docilité de son caractère, et les services qu'il procure à l'homme, le rendent de la première utilité, et font oublier ses difformités apparentes.

Malgré la mollesse apparente de ses pieds, il peut marcher sur le chemin le plus raboteux, sur des pierres aiguë