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mouvant. Les Tartaries nous recommandèrent de suivre avec beaucoup de prudence les sentiers tracés, et de nous éloigner des endroits où nous verrions l'eau sourdre et monter. Ils nous assurèrent qu'il existait des gouffres qu'on avait plusieurs fois sondés sans jamais en trouver le fond. Tout cela porterait à croire que le Noor ou lac, dont on parle dans le pays, existe réellement, mais qu'il est souterrain. Au-dessus serait alors comme un couvercle, ou une voûte solide, formée de matières salines et salpétreuses produites par les évaporations continuelles des eaux souterraines. Des matières étrangères, incessamment charriées par les pluies, et poussées par les vents, auront bien pu ensuite, par le laps du temps, former une croûte assez forte pour porter les caravanes qui traversent sans cesse le Dabsoun-Noor.

Cette grande mine de sel paraît étendre son influence sur le pays des Ortous tout entier. Partout les eaux sont saumâtres ; le sol est aride, et saupoudré de matières salines. Cette absence de gras pâturages et de ruisseaux, est très-défavorable à la prospérité des bestiaux ; cependant le chameau, dont le tempérament robuste et endurci s'accommode des montagnes les plus stériles, vient dédommager les Tartares des Ortous. Cet animal, véritable trésor du désert, peut rester quinze jours et même un mois sans boire ni manger. Quelque misérable que soit le pays, il trouve toujours de quoi se rassasier, surtout si le sol est imprégné de sel ou de nitre. Les landes les plus stériles peuvent lui suffire ; les herbes auxquelles les autres animaux ne touchent pas, des broussailles, du bois sec même, tout peut lui servir de pâture.