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Une journée de marche avant d'arriver au Dabsoun-Noor, le terrain change par degrés de forme et d'aspect ; il perd sa teinte jaunâtre, et devient insensiblement blanc, comme s'il fût tombé sur le sol une légère couche de neige. Lu terre se boursoufle sur tous les points, et forme d'innombrables petits monticules, semblables à des cônes d'une régularité si parfaite, qu'on les dirait travaillés de main d'homme. Ils se groupent quelquefois par étages les uns au-dessus des autres et ressemblent à de grosses poires entassées sur un plat ; on en voit de toutes les grosseurs ; les uns sont jeunes et ne font que de naître, d'autres paraissent vieux, épuisés, et tombent en ruine de toute part. A l'endroit où ces excroissances commencent à se déclarer, on voit sortir de terre des épines rampantes, environnées de longues pointes, mais sans fleurs et sans feuilles ; elles se mêlent, s'entrelacent, et vont coiffer les boursouflures du terrain comme d'un bonnet tricoté. Ces épines ne se rencontrent jamais que sur les monticules dont nous parlons ; quelquefois elles paraissent fortes, vigoureuses, et poussent des rejetons assez longs ; mais sur les vieux tertres, elles sont desséchées, calcinées par le nitre, cassantes, et s'en allant, pour ainsi dire, en lambeaux.

En voyant à la surface de la terre ces nombreuses boursouflures chargées d'épaisses efflorescences de nitre, il est facile de deviner qu'au dedans et à peu de profondeur, il se fait de grandes opérations chimiques. Les sources d'eau, si rares dans les Ortous, deviennent ici fréquentes, mais elles sont en général excessivement salées ; quelquefois pourtant, tout à côté d'une lagune saumâtre, jaillissent des eaux douces, fraîches et délicieuses ; de