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La montagne que nous gravissions est appelée Sain-Oula c’est-à-dire la Bonne montagne. Il est probable que c’est par opposition qu’on lui donne ce nom ; car elle est fameuse et renommée dans le pays, par les accidents funestes et les aventures tragiques dont elle est le théâtre. Nous en fîmes l’ascension par un chemin rude, escarpé, et en grande partie encombré de débris de rochers. Vers le milieu de la montée, est un petit temple idolâtrique dédié à la déesse de la montagne, appelée Sain-Nai (la bonne vieille). Dans ce temple réside un religieux dont l’occupation est de jeter de temps en temps quelques pelletées de terre aux endroits du chemin que les eaux ont rendus tout-à-fait impraticables. Cette bonne action lui donne le droit d’exiger des voituriers qui passent devant sa cellule, une légère rétribution qui suffit à son entretien.

Après avoir grimpé pendant près de trois heures, nous nous trouvâmes enfin au haut de la montagne, sur un immense plateau, qui de l’est à l’ouest compte une grande journée de chemin. Du nord au midi, le prolongement est incommensurable. Du haut de ce plateau on découvre au loin, dans les plaines de la Tartarie, les tentes des Mongols, rangées en amphithéâtre sur le penchant des collines, et ressemblant dans le lointain à de nombreuses ruches d’abeilles. Plusieurs fleuves prennent leur source aux flancs de cette montagne. On distingue entre tous les autres le Chara-Mouren (fleuve Jaune), que la vue peut suivre au loin dans son cours capricieux à travers le royaume de Gechekten. (Le Chara-Mouren ne doit pas être confondu avec le Hoang-Ho, fameux fleuve Jaune de la Chine.) Après avoir arrosé les royaumes de Gechekten et de