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dans des steppes immenses, et la route se perdit insensiblement au milieu de sables d’une finesse extrême, que le vent faisait ondoyer ; il était impossible de reconnaître les traces des voyageurs qui nous avaient précédés. La route disparut enfin complètement, et nous nous trouvâmes environnés de collines jaunâtres, où l’on ne pouvait découvrir le plus petit brin de végétation. M. Huc, qui craignait de s’égarer dans cette immense sablière, fit arrêter le chamelier. — Samdadchiemba, lui dit-il, ne marchons pas à l’aventure ; vois-tu là-bas dans ce vallon ce cavalier tartare qui pousse un troupeau de bœufs, va lui demander la route de Rache-Tchurin… Samdadchiemba leva la tête et regarda d’un œil le soleil voilé de quelques légers nuages. — Mon Père spirituel, dit-il, j’ai l’habitude de m’orienter dans le désert : mon opinion est que nous sommes toujours en bonne route ; allons toujours vers l’occident, et nous ne pourrons pas nous égarer. — Puisque tu connais le désert, allons en avant. — Oui, c’est cela ; allons toujours en avant. Voyez-vous là-bas sur cette montagne cette longue traînée blanche… ; c’est la route qui sort des sables et commence à reparaître.

Sur la foi de Samdadchiemba, nous continuâmes à marcher dans la même direction. Bientôt nous rencontrâmes en effet une route assez bien tracée ; mais elle n’était pas fréquentée, et nous ne pûmes interroger personne pour confirmer ou démentir les assertions de Samdadchiemba, qui prétendait toujours que nous étions sur le chemin de Rache-Tchurin. Le soleil se coucha ; et la lumière du crépuscule, disparaissant peu à peu, fit place aux ténèbres de fa nuit, sans que nous eussions pu découvrir au loin la lamaserie.