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Il eut beau gravir les collines les plus escarpées, et descendre dans de profonds ravins, toutes ses fatigues furent stériles ; il ne put rien découvrir, rien apprendre des voyageurs qu'il rencontra sur ses pas.

La nuit devint obscure, et bientôt la lamaserie de Rache-Tchurin disparut dans les ombres. M. Gabet se trouva seul au milieu du désert, sans chemin et sans abri, n'osant ni avancer ni reculer, de crainte de se jeter dans quelque précipice. Il fallut donc s'arrêter dans un ravin sablonneux, et se décider à y passer la nuit. Pour ce soir-là, en guise de souper, il fallut se contenter d'une impression de voyage. Ce n'était pas que les provisions manquassent, mais où prendre du feu ? où aller puiser de l'eau ? Le sentiment de la faim était d'ailleurs absorbé par les soins et les chagrins, dont son cœur était dévoré au sujet de la caravane. Il se mit donc à genoux sur le sable, fit sa prière du soir, posa sa tête sur un sac de farine, et se coucha à côté du chameau dont il avait attaché le licou à son bras, de peur qu'il ne disparût pendant la nuit. Il est inutile d'ajouter que le sommeil ne fut ni bien profond, ni bien continu ; la terre froide et nue n'est pas un bon lit, surtout pour un homme en proie à de noires préoccupations.

Aussitôt que le jour commença à poindre, M. Gabet remonta sur sa chamelle, et quoique exténué de faim et de soif, il se mit de nouveau à la recherche de ses compagnons de voyage.

La caravane n'était pas perdue, mais elle s'était grandement fourvoyée. Depuis que M. Gabet s'était séparé de nous pour se rendre au poste chinois, nous avions d'abord suivi fidèlement le bon chemin : mais bientôt nous entrâmes