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douce, que nous fûmes contraints de nous dépouiller de nos habits de peaux, et de les empaqueter jusqu'à nouvelle occasion. Il n'est rien de si fréquent en Tartarie, que ces changements rapides de température. Quelquefois on passe brusquement du temps le plus doux au froid le plus terrible. Il suffit pour cela qu'il soit tombé de la neige, et que le vent du nord vienne ensuite à souffler. Si l'on n'a pas le tempérament endurci à ces subites variations de l'atmosphère, si l'on n'est pas muni, en voyage, de bons habits fourrés, on est souvent exposé à de terribles accidents. Dans le nord de la Mongolie surtout, il n'est pas rare de rencontrer des voyageurs morts de froid au milieu du désert.

Le quinzième jour de la neuvième lune, nous rencontrâmes de nombreuses caravanes, suivant, comme nous, la direction d'orient en occident. Le chemin était rempli d'hommes, de femmes et d'enfants, montés sur des chameaux ou sur des bœufs. Ils se rendaient tous, disaient-ils, à la lamaserie de Rache-Tchurin. Quand ils nous demandaient si notre voyage avait le même but, il paraissaient étonnés de notre réponse négative. Ces nombreux pèlerins, la surprise qu'ils témoignaient en nous entendant dire que nous n'allions pas à la lamaserie de Rache-Tchurin, tout servait à piquer notre curiosité. Au détour d'une gorge, nous atteignîmes un vieux Lama, qui, le dos chargé d'un lourd fardeau, paraissait cheminer avec peine. « Frère, lui dîmes-nous, tu es avancé en âge ; tes cheveux noirs ne sont pas aussi nombreux que les blancs. Sans doute ta fatigue doit être grande. Place ton fardeau sur un de nos chameaux, tu voyageras plus à l'aise... » En entendant