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à former autour du Missionnaire comme une atmosphère de la patrie. Nous étions abandonnés à nous-mêmes, sur une terre ennemie, condamnés désormais à traiter nous-mêmes nos affaires, sans espoir d’entendre jamais sur notre route une voix de frère et d’ami… Mais qu’importe ? nous nous sentions au cœur courage et énergie ; nous marchions en la force de celui qui a dit : Allez, et instruisez toutes les nations ; voilà que je suis avec vous jusqu’à la consommation des siècles !

Comme nous l’avons dit plus haut, Samdadchiemba était notre seul compagnon de voyage. Ce jeune homme n’était ni Chinois, ni Tartare, ni Thibétain. Cependant, au premier coup d’œil, il était facile de saisir en lui les traits qui distinguent ce qu’on est convenu d’appeler la race mongolique. Un nez large et insolemment retroussé, une grande bouche fendue en ligne droite, des lèvres épaisses et saillantes, un teint fortement bronzé, tout contribuait à donner à sa physionomie un aspect sauvage et dédaigneux. Quand ses petits yeux sortaient de dessous de longues paupières entièrement dépouillées de cils, et qu’il vous regardait en plissant la peau de son front, il inspirait tout à la fois des sentiments de confiance et de peur. Rien de tranché sur cette étrange figure : ce n’était ni la malicieuse ruse du Chinois, ni la franche bonhomie du Tartare, ni la courageuse énergie du Thibétain ; mais il y avait un peu de tout cela. Samdadchiemba était un Dchiahour. Dans la suite nous aurons occasion de parler avec quelques détails de la patrie de notre jeune chamelier.

A l’âge de onze ans, Samdadchiemba s’était échappé de sa lamaserie, pour se soustraire aux coups d’un maître