Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 1.djvu/308

Cette page n’a pas encore été corrigée

que tous les ans, après la récolte, elles fourniraient un peu de farine d'avoine aux Taitsi du pays. Insensiblement il arriva d'autres familles, qui creusèrent aussi des grottes pour y habiter, et bientôt cette gorge en fut pleine. Au commencement, ces Kitas avaient le caractère doux et tranquille ; nous vivions ensemble comme des frères. Dites-moi, seigneurs Lamas, est-ce que ce n'est pas bien de vivre comme des frères ? Est-ce que tous les hommes ne sont pas frères entre eux ? — Oui, c'est vrai, tu dis là une bonne parole ; mais pourquoi ces Kitas sont-ils partis d'ici ? — La paix ne dura pas longtemps ; ils devinrent bientôt méchants et trompeurs. Au lieu de se contenter de ce qu'on leur avait cédé, ils étendirent la culture selon leur bon plaisir, et s'emparèrent, sans rien dire, de beaucoup de terrain. Quand ils furent riches, ils ne voulurent plus nous payer la farine d'avoine dont on était convenu. Tous les ans, lorsqu'on allait réclamer le loyer des terres, ils nous accablaient d'injures et de malédictions. Mais la chose la plus affreuse, c'est que ces méchants Kitas se firent voleurs ; ils enlevaient toutes les chèvres et tous les moutons qui s'égaraient dans les sinuosités du ravin. Un jour, un Taitsi de grand courage et de grande capacité, rassembla les Mongols du voisinage, puis il dit: Les Kitas s'emparent de notre terre, ils volent nos bestiaux et nous maudissent ; puisqu'ils n'agissent plus et ne parlent plus en frères, il faut les chasser ... Tout le monde fut content d'entendre les paroles du vieux Taitsi. On délibéra, et il fut convenu que les principaux de la contrée iraient rendre visite au Roi, pour le supplier d'écrire une ordonnance qui condamnât les Kitas à être chassés. J'étais de la députation... Le Roi nous ayant