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Aussitôt nous mîmes pied à terre, dans l'espoir que la marche pourrait nous réchauffer un peu ; mais à peine eûmes-nous fait quelques pas au milieu des sables inondés, où nos jambes s'enfonçaient comme dans du mortier, qu'il nous fut impossible d'aller en avant. Nous cherchâmes un abri à côté de nos chameaux, et nous nous accroupîmes les bras fortement serrés contre les flancs pour essayer de ramasser un peu de chaleur.

Pendant que l'orage continuait toujours à fondre sur nous avec fureur, nous attendions avec résignation ce qu'il plairait à la Providence de décider sur notre sort. Dresser la tente était chose impossible ; il eût fallu des forces surhumaines pour tendre des toiles mouillées et presque gelées par le vent du nord. D'ailleurs il eût été difficile de trouver un emplacement, car l'eau ruisselait de toute part. Au milieu de cette affreuse situation, nous nous regardions mutuellement avec tristesse et sans parler ; nous sentions que la chaleur naturelle du corps allait diminuant peu à peu, et que notre sang commençait à se glacer. Nous fîmes donc à Dieu le sacrifice de notre vie ; car nous étions persuadés que nous mourrions de froid pendant la nuit.

Un de nous, cependant, ramassant toutes ses forces et toute son énergie, monta sur une hauteur qui dominait la gorge voisine, et découvrit un sentier qui, par mille sinuosités, conduisait au fond de cet immense ravin ; il en suivit la direction, et après avoir fait quelques pas dans l'enfoncement, il aperçut aux flancs de la montagne de grandes ouvertures semblables à des portes. A cette vue, le courage et les forces lui revenant tout à coup, il remonta la