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par la pesanteur de l'atmosphère ; et nos chameaux, le cou tendu et la bouche entr'ouverte, cherchaient vainement dans l'air un peu de fraîcheur. Vers midi, des nuages sombres commencèrent à s'amonceler à l'horizon ; craignant d'être saisis en route par l'orage, nous eûmes la pensée de dresser quelque part notre tente. Mais où aller ? Nous cherchions de tous côtés ; nous montions sur les hauteurs des collines, et nous regardions avec anxiété autour de nous, pour tâcher de découvrir quelque habitation tartare, qui pût nous fournir au besoin un peu de chauffage ; mais c'était en vain, nous n'avions partout devant les yeux qu'une morne solitude. De temps à autre seulement nous apercevions des renards qui se retiraient dans leurs tanières, et des troupeaux de chèvres jaunes qui couraient se cacher dans les gorges des montagnes. Cependant les nuages montaient toujours, et le vent se mit à souffler avec violence. Dans l'irrégularité de ses rafales, il paraissait tantôt nous apporter la tempête et tantôt la chasser loin de nous. Pendant que nous étions ainsi suspendus entre l'espérance et la crainte, de grands éclats de tonnerre et des éclairs multipliés qui embrasaient le ciel, vinrent nous avertir que nous n'avions plus qu'à nous remettre entièrement entre les mains de la Providence. Bientôt le vent glacial du nord venant à souffler avec violence, nous nous dirigeâmes vers une gorge qui s'ouvrait à côté de nous ; mais nous n'eûmes pas le temps d'y arriver, l'orage creva tout à coup. D'abord, il tomba de la pluie par torrents, puis de la grêle, et puis enfin de la neige à moitié fondue. Dans un instant, nous fûmes imbibés jusqu'à la peau, et nous sentîmes le froid s'emparer de nos membres.