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de vieillesse, va choisir, parmi les troupeaux de ses esclaves, les plus jeunes et les plus vigoureux ; souvent même, ne se contentant pas de cela, il en exige le double ou le triple. Rien de plus juste, dit-il ; car pendant deux ou trois ans mes animaux ayant pu se multiplier, il doit me revenir un grand nombre d'agneaux, de poulains, de veaux et de chamelons.

L'esclavage, quelque mitigé, quelque doux qu'on le sup pose, ne peut jamais être en harmonie avec la dignité de l'homme ; il a été aboli en Europe, et un jour, nous l'espérons, il le sera aussi parmi les nations mongoles. Mais cette grande révolution s'opérera, comme partout, sous l'influence du christianisme. Ce ne seront pas les faiseurs de théories politiques, qui affranchiront ces peuples nomades ; cette œuvre sera encore celle des prêtres de Jésus-Christ, des prédicateurs du saint Evangile, charte divine où sont consignés les véritables droits de l'homme. Aussitôt que les missionnaires auront appris aux Mongols à dire : Notre Père qui êtes aux cieux ... l'esclavage tombera en Tartarie, et on y verra grandir l'arbre de la liberté à côté de la croix.

Après quelques journées de marche à travers les sables des Ortous, nous remarquâmes sur notre passage une petite lamaserie, richement bâtie dans un site pittoresque et sauvage. Nous passâmes outre, sans nous arrêter. Déjà nous en étions éloignés d'une portée de fusil, lorsque nous entendîmes derrière nous, comme le galop d'un cheval. Nous tournâmes la tête, et nous aperçûmes un Lama qui venait à nous avec empressement. — Frères, nous dit-il, vous êtes passés devant notre soumé (lamaserie) sans vous arréter ;