Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 1.djvu/289

Cette page n’a pas encore été corrigée

le servage du moyen-âge ; les seigneurs mongols ne donnent jamais à leurs esclaves ces humiliants sobriquets, qui servaient autrefois à désigner les serfs ; ils les appellent, frères, mais jamais vilains, jamais canailles, jamais gent taillable et corvéable à merci.

La noblesse tartare a droit de vie et de mort sur ses esclaves ; elle peut se rendre justice elle-même vis-à-vis des siens, jusqu'au point de les faire mourir ; mais ce privilége ne s'exerce pas arbitrairement. Quand l'esclave a été mis à mort, un tribunal supérieur juge l'action du maître, et s'il est convaincu d'avoir abusé de son droit, le sang innocent est vengé. Les Lamas qui appartiennent aux familles esclaves, deviennent libres en quelque sorte, en entrant dans la tribu sacerdotale ; on ne peut exiger d'eux ni corvées, ni redevances ; ils peuvent s'expatrier et courir le monde à leur fantaisie, sans que personne ait le droit de les arrêter.

Quoique les rapports de maître à esclave soient en général pleins d'humanité et de bienveillance, il est pourtant des souverains tartares qui abusent de leur prétendu droit, pour opprimer leurs peuples et en exiger des tributs exorbitants. Nous en connaissons un qui use d'un système d'oppression vraiment révoltant. Il choisit parmi ses troupeaux, les bœufs, les chameaux, les moutons, les chevaux les plus vieux et les plus malades, puis il en confie la garde aux riches esclaves qui sont dans ses États ; ceux-ci ne peuvent trouver mauvais de faire paître les bestiaux de leur souverain seigneur ; ce doit être même un grand honneur pour eux. Après quelques années, le roi redemandant ses animaux, qui sont presque tous morts de maladie ou