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Les Mongols des Ortous se ressentent beaucoup de la misère du pays qu'ils occupent. Pendant notre voyage, nous n'eûmes pas lieu de nous apercevoir que, depuis le temps de l'empereur Khang-Hi, ils se fussent beaucoup enrichis. La plupart demeurent sous des tentes, composées de quelques lambeaux de feutre ou de peaux de chèvres ajustés sur un misérable échafaudage ; le tout est tellement vieux et sale, tellement délabré par le temps et les orages, qu'on soupçonnerait difficilement qu'elles pussent servir de demeure à des hommes. S'il nous arrivait de camper auprès de ces pauvres habitations, aussitôt nous recevions la visite d'une foule de malheureux, qui se prosternaient à nos pieds, se roulaient à terre, et nous donnaient les titres les plus magnifiques pour obtenir quelque aumône. Nous n'étions pas riches ; mais nous ne pouvions nous dispenser de les faire participer au petit trésor que nous tenions de la bonté de la Providence. Nous leur donnions quelques feuilles de thé, une poignée de farine d'avoine, du petit millet grillé, et quelquefois un peu de graisse de mouton. Hélas! nous eussions aimé à leur offrir davantage ; mais nous étions forcés de donner peu, parce que nous avions peu nous-mêmes. Les Missionnaires sont, eux aussi, des pauvres, qui vivent des aumônes que leur distribuent tous les ans leurs frères d'Europe.

Si on ne connaissait les lois qui régissent les Tartares, on comprendrait difficilement comment des hommes peuvent se condamner à passer leur vie dans le misérable pays des Ortous, tandis que la Mongolie offre de toute part des contrées immenses, désertes, et où les eaux et les pâturages se rencontrent en abondance. Quoique les Tartares