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quelques plantes desséchées, et en quelque sorte calcinées par le nitre ; aussi maigrissaient-ils à vue d'œil. Après quelques journées de marche, le cheval prit un aspect pitoyable ; il s'en allait baissant la tête jusqu'à terre, et paraissant à chaque pas devoir succomber de défaillance ; les chameaux se balançaient péniblement sur leurs longues jambes, et leurs bosses amaigries se penchaient sur leur dos, semblables à des sacs vides.

Les steppes des Ortous, quoique si dépourvues d'eaux et de bons pâturages, n'ont pas été pourtant abandonnées par les animaux sauvages. On y rencontre fréquemment des écureuils gris, des chèvres jaunes à la jambe svelte et légère, et des faisans au plumage élégant. Les lièvres y abondent, et ils sont si peu farouches, qu'ils ne se donnaient pas même la peine de fuir à notre approche ; ils se soulevaient avec curiosité sur leurs pattes de derrière, dressaient leurs oreilles, et nous regardaient passer avec indifférence. Au reste, ces animaux vivent toujours sans inquiétude ; car, à part quelques rares Mongols qui s'adonnent à la chasse, il n'y a jamais là personne pour les inquiéter.

Les troupeaux que nourrissent les Tartares des Ortous, sont peu nombreux, et bien différents de ceux qui paissent parmi les gras pâturages du Tchakar ou de Gechekten. Les bœufs et les chevaux nous parurent surtout misérables ; les chèvres, les moutons et les chameaux avaient assez bonne mine ; cela vient sans doute de ce que ces derniers animaux aiment beaucoup à brouter les plantes imprégnées de salpêtre, au lieu que les bœufs et les chevaux affectionnent les frais pâturages et les eaux pures et abondantes.