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A mesure que le cortége avançait, la crainte dominait de plus en plus le pêcheur qui nous conduisait ; il n'osait pas lever les yeux, et ne respirait qu'avec peine. Enfin, les barques se croisèrent. — Seigneurs Lamas, nous cria une voix, êtes-vous en paix ?... Au globule rouge qui décorait le bonnet de celui qui nous adressait cette politesse, à la richesse de ses habits brodés, nous reconnûmes le premier ministre du roi. — Toudzelaktsi des Ortous, nolre navigation est lente, mais elle est heureuse ; que la paix accompagne aussi ta route !... Après quelques autres formules d'urbanité exigées par les mœurs tartares, nous continuâmes à suivre tranquillement le courant de l'eau. Quand nous fûmes séparés des mandarins par une grande distance, le cœur de notre batelier put enfin s'épanouir à l'aise ; nous l'avions, en effet, tiré d'un grand embarras. Les barques de passage devaient être en corvée pendant deux ou trois jours au moins ; le Toudzelaktsi ne voulant pas continuer sa route à travers les marécages, il fallait le conduire sur le fleuve Jaune jusqu'à la ville de Tchagan-Kouren.

Après une navigation longue, pénible et remplie de dangers, nous parvînmes de l'autre côté de ce grand bassin. Samdadchiemba était arrivé depuis longtemps, et nous attendait au milieu de la vase qui encombrait la rive ; il était encore sans habits, mais sa nudité était couverte par un justaucorps de boue, qui lui donnait un aspect horrible. A cause du peu de profondeur des eaux, la barque ne pouvant aller jusqu'à terre, s'arrêta à une trentaine de pas du rivage. Les bateliers qui nous avaient précédés avaient été obligés de transporter sur leurs épaules les mandarins