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tait la marque de sa dignité. Après avoir donné les ordres, il appliqua quelques coups de fouet à son cheval, et s'en retourna au galop par le même chemin qu'il avait suivi en venant. Aussitôt qu'il eut disparu, les murmures que sa présence avait comprimés, éclatèrent de toute part. — Voilà qu'aujourd'hui nous serons de corvée. — C'est quelque chose de bien généreux qu'un Toudzelaktsi mongol (ministre du roi) ; il faudra ramer tout le jour, et au bout du compte nous n'aurons pas une seule sapèque. — Passe encore de n'avoir pas de sapèques ; nous serons bien heureux si ce puant de Tartare (Tcheou-ta-dze) ne nous fait rouer de coups. — Allons, ramons, suons, tuons-nous ; aujourd'hui nous aurons l'honneur de porter sur notre barque un Toudzelaktsi. ... Tous ces propos étaient entremêlés do grands éclats de rire, et de violentes imprécations contre l'autorité mongole.

Notre batelier était plus modéré que les autres ; il nous exposa tranquillement son embarras. — C'est une journée, nous dit-il, bien malheureuse pour moi. Nous serons obligés de conduire le Toudzeiaklsi, peut-être jusqu'à Tchagan Kouren. Je suis seul, — je suis malade, et de plus, nous aurons besoin ce soir de notre barque pour aller jeter les filets. — Nous étions profondément contristés de ce fâcheux accident ; car nous ne pouvions nous empêcher d'avouer que nous étions la cause involontaire de toutes les misères qu'allait endurer ce pauvre pêcheur. Nous savions que ce n'est pas une petite affaire, que de rendre service à un magistrat chinois ou tartare ; il faut que tout se fasse très-bien, à la hâte et de bon cœur ; peu importent les difficultés et les fatigues, il faut que le mandarin obtienne toujours