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Au jour fixé, nous nous rendîmes de grand matin à la petite cabane du pêcheur. Dans un instant tout le bagage fut déposé dans la barque, et les deux Missionnaires y entrèrent avec le batelier dont ils avaient pansé la jambe. Il fut convenu qu'un jeune homme, monté sur le cheval, traînerait après lui le petit mulet, et que Samdadchiemba se chargerait des trois chameaux. Quand tout fut bien équipé, on se mit en route, les navigateurs d'un côté, et les cavaliers de l'autre ; car nous ne pouvions pas suivre tous le même chemin, les animaux étaient obligés de faire un long circuit pour éviter des endroits profonds et périlleux.

La navigation fut d'abord très-agréable ; nous voguions paisiblement sur cette petite mer, portés sur une légère nacelle qu'un seul homme gouvernait à volonté, en agitant à droite et à gauche deux petites rames dont les deux poignées venaient se croiser devant sa poitrine. Cependant le plaisir de cette charmante promenade nautique au milieu des déserts de la Mongolie ne dura pas longtemps. La poésie fut bientôt épuisée, et nous entrâmes dans de sérieuses et longues misères. Pendant que nous avancions mollement sur la surface du bassin, prêtant vaguement l'oreille au bruit harmonieux des deux rames qui frappaient les eaux avec mesure, tout à coup, nous entendîmes derrière nous des clameurs tumultueuses, auxquelles se joignaient les longs gémissements de nos chameaux. Aussitôt nous nous arrêtâmes, et tournant la tête, nous aperçûmes la caravane qui se débattait au milieu des eaux, sans avancer. Dans la confusion générale, nous distinguâmes le Dchiahour qui agitait vivement ses bras, comme pour nous