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d'une petite provision de fort jolis poissons. Avant de descendre de la barque, nous lavâmes bien proprement un mouchoir, et après y avoir dépose notre pêche, nmis nous dirigeâmes triomphalement vers la tente. — Où avez-vous donc été, mes pères spirituels, nous cria Samdadchiemba, d'aussi loin qu'il nous aperçut ? le thé a déjà bouilli, puis il s'est refroidi ; je l'ai fait bouillir encore, il s'est refroidi de nouveau. — Vide ton thé quelque part, lui répondîmes-nous ; aujourd'hui nous ne mangerons pas que de la farine d'avoine ; nous avons du poisson frais. Fais cuire quelques pains sous la cendre... Notre longue absence avait donné de la mauvaise humeur à Samdadchiemba. Son front était plus plissé que de coutume, et ses petits yeux noirs étaient tout pétillants de dépit Mais quand il eut contemplé dans le mouchoir les poissons qui s'agitaient encore, son front se dérida, et sa figure s'épanouit insensiblement. II ouvrit en souriant le sac de farine de froment, dont les cordons ne se déliaient que dans de rares circonstances. Pendant qu'il s'occupait avec zèle de la pâtisserie, nous prîmes les poissons, et nous nous rendîmes sur les bords du petit lac qui était à quelques pas de la tente. A peine y fûmes-nous arrivés, que Samdadchiemba accourut en toute hâte. Il écarta vivement les quatre coins du mouchoir qui enveloppait le poisson. — Qu'allez-vous faire, nous dit-il, d'un air préoccupé ? — Nous allons vider et écailler ce poisson. — Oh ! cela n'est pas bien, mes pères spirituels ; attendez un instant, il ne faut pas faire de péché. — Que veux-tu dire ? qui est-ce qui fait un péché ? — Tenez, voyez ces poissons ; il y en a qui se remuent encore ; il faut les laisser mourir tout doucement