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qu'il pétrit à moitié, en la remuant avec son index ; puis, après l'avoir pressée un peu et roulée dans sa main, il l'avala sans lui faire subir d'autre façon. Après avoir répété trois ou quatre fois la même opération, le dîner fut fini. Cette manière de vivre n'avait rien qui pût piquer notre curiosité. Depuis que nous avions adopté la vie nomade, une assez longue expérience nous l'avait rendue familière. Mous montâmes donc sur une petite barque, et nous allâmes jouir du plaisir de la pêche. Après avoir savouré pendant quelques instants les délices d'une paisible navigation, sur une eau tranquille et unie comme une glace, à travers des troupes de cormorans et d'oies sauvages, qui se jouaient sur la surface du bassin, et qui, moitié courant, moitié voletant, nous laissaient le passage libre à mesure que nous avancions, nous arrivâmes à l'endroit où étaient les filets. De distance en distance on voyait flotter au dessus des eaux des morceaux de bois, auxquels étaient attachés les filets qui plongeaient au fond. A mesure qu'on les retirait, on voyait, de temps en temps, reluire les poissons qui se trouvaient engagés dans les mailles. Ces poissons étaient en général magnifiques ; mais le pêcheur ne conservait que les plus gros ; ceux qui étaient au-dessous d'une demi-livre, il les rejetait à l'eau.

Après avoir visité quelques filets, il s'arrêta un instant pour examiner si la pêche était bonne. Déjà les deux auges pratiquées aux deux extrémités de la barque étaient presque remplies. — Seigneurs Lamas, nous dit le pêcheur, mangez-vous de la viande de poisson ? Je vous vendrai du poisson, si vous voulez en acheter. — A cette proposition, les deux pauvres Missionnaires français se regardèrent sans rien