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t. Le débordement du fleuve Jaune réunit les deux courants, et on n'aperçoit plus qu'un immense bassin, dont la largeur s'étend à plus d'une demi-lieue. Il parait qu'à l'époque des débordements, les poissons qui abondent dans le fleuve Jaune se rendent en 'grande foule dans ce bassin, où les eaux séjournent à peu près jusqu'au commencement de l'hiver ; pendant l'automne, cette petite mer est sillonnée en tous sens par les barques des pêcheurs chinois, qui ont dressé sur le rivage quelques pauvres cabanes où ils résident pendant le temps de la pêche.

La première nuit que nous passâmes dans ce campement, nous fûmes sans cesse préoccupés d'un fracas étrange, qui de moment à autre se faisait entendre dans le lointain ; c'étaient comme les roulements sourds et entrecoupés de plusieurs tambours. Quand le jour parut, ce bruit se continuait encore, mais à de plus longs intervalles et avec moins d'intensité, il nous parut venir du côté de l'eau. Nous nous dirigeâmes vers le rivage, et un pêcheur, qui faisait bouillir son thé dans une petite marmite dressée sur trois pierres, nous donna le mot de l'énigme ; il nous apprit que, pendant la nuit, tous les pêcheurs, montés sur leurs petites nacelles, parcouraient le bassin dans tous les sens, en exécutant des roulements sur des caisses de bois, afin d'effrayer les poissons, et de les chasser vers les endroits où ils avaient tendu leurs filets. Le pêcheur que nous interrogions, avait passé la nuit tout entière à ce pénible travail. Ses yeux rouges et gonflés et sa figure abattue, témoignaient assez que depuis longtemps il n'avait pas pris un sommeil suffisant... — Ces jours-ci, nous dit-il, nous nous donnons beaucoup de peine ; car nous n avons