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nous étions imposé un règlement de vie qui paraîtra bizarre, et peut-être peu en harmonie avec ceux qui sont en vigueur dans les maisons religieuses. Toutefois il était assez bien adapté aux besoins de notre petite communauté.

Tous les matins, aussitôt que le ciel commençait à blanchir, et avant que les premiers rayons du soleil rie vinssent frapper la toile de notre tente, nous nous levions sans avoir besoin d'un excitateur ou d'un tintement de cloche. Notre courte toilette étant terminée, nous roulions dans un coin nos peaux de bouc ; nous mettions en ordre, ça et là, nos quelques ustensiles de cuisine, et nous donnions enfin un coup de balai dans notre appartement ; car nous voulions, autant qu'il était en nous, faire régner dans notre maison l'esprit d'ordre et de propreté. Tout est relatif dans ce monde ; l'intérieur de notre tente, qui eût excité le rire d'un Européen, faisait l'admiration des Tartares qui venaient parfois nous rendre visite. La bonne tenue de nos écuelles de bois, notre marmite toujours bien récurée, nos habits qui n'étaient pas encore tout-à-fait incrustés de graisse, tout contrastait avec le désordre, le pêle-mêle et la saleté des habitations tartares.

Quand on avait fait la chambre, nous récitions notre prière en commun, et puis nous nous dispersions, chacun de notre côté, dans le désert, pour vaquer à la méditation de quelque sainte pensée. O ! il n'était pas besoin, au milieu du silence profond de ces vastes solitudes, qu'un livre nous suggérât un sujet d'oraison. Le vide et l'inanité des choses d'ici-bas, la majesté de Dieu, les trésors inépuisables de sa providence, la brièveté de la vie, l'importance