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Depuis près de deux mois que nous étions en route, nous ne recevions de soins que ceux que nous savions nous donner ; nous ne devions jamais compter que sur nous-mêmes. Cette nécessité nous avait forcés de nous ingénier peu à peu, et d'apprendre quelque chose de tous les métiers ; toutes les fois que nos habits ou nos bottes réclamaient une réparation urgente, nous étions obligés de nous faire tour à tour cordonniers ou tailleurs. Le métier de blanchisseur devait aussi nous être imposé par notre vie nomade. Après avoir fait bouillir des cendres, et mis tremper notre linge dans l'eau de lessive, nous allâmes le laver sur les bords d'un étang voisin de notre tente. Deux pierres, une pour recevoir le linge, et une autre pour le frapper, furent les seuls instruments dont nous pûmes faire usage. Nous eûmes peu de peine à nous donner, car l'eau croupissante et salpêtreuse de l'étang était très-favorable au lavage. Enfin nous eûmes l'inexprimable joie de contempler nos habits en état de propreté ; les sécher sur les longues herbes et les plier ensuite, fut pour nous une véritable jouissance.

La paix et la tranquillité que nous goûtâmes dans ce campement, réparèrent merveilleusement les fatigues que nous avions endurées au milieu des marécages. Le temps fut magnifique, et pour ainsi dire à souhait. Une chaleur douce et tempérée pendant le jour, la nuit, un ciel pur et serein, du chauffage à discrétion, des pâturages sains et abondants, des efflorescences de nitre et de l'eau saumâtre, qui faisaient les délices de nos chameaux : tout cela contribuait à épanouir nos cœurs un peu froissés par les contradictions d'une route fatigante et périlleuse. Nous