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quelques Lamas dont les croyances sur ce point étaient plus épurées ; ils admettaient que les hommes qui appartiennent à la tribu sacerdotale, doivent s'abstenir de tuer les êtres vivants ; non pas, disaient-ils, par crainte de commettre un meurtre, et de donner peut-être la mort à un homme transmigré dans l'animal, mais parce que cela répugne avec le caractère essentiellement doux d'un homme de prière et qui est en communication avec la divinité.

Il est des Lamas qui poussent sur ce point leur délicatesse jusqu'à la puérilité. En voyage, ils sont toujours dans la plus grande sollicitude ; s'ils viennent à apercevoir sur leur route quelque petit insecte, ils arrêtent brusquement leur cheval et lui font prendre une autre direction. Ils avouent pourtant que, par inadvertance, l'homme le plus saint occasionne tous les jours la mort d'un grand nombre d'êtres vivants. C'est pour expier ces meurtres involontaires qu'ils s'imposent des jeûnes et des pénitences, qu'ils récitent certaines formules de prières, et font un grand nombre de prostrations.

Pour nous qui n'avions pas de semblables scrupules, et dont la conscience était solidement formée à l'endroit de la transmigration des âmes, nous fabriquâmes du mieux possible notre cordon mercuriel ; nous doublâmes la dose de vif-argent : tant nous étions désireux de détruire de fond en comble la vermine dont jour et nuit nous étions tourmentés.

C'eût été peu de chose que de donner la mort aux poux pour les empêcher de renaître trop tôt ; nous dûmes lessiver tous nos habits de dessous, car depuis longtemps il ne nous était plus possible d'envoyer notre linge au blanchissage.