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meau qui s’était échappé dans le désert ; enfin il avait été obligé de se rendre au tribunal pour se faire restituer un mulet qu’on lui avait volé. Un procès, une maladie, des animaux perdus, étaient des raisons plus que suffisantes pour le faire absoudre de son retard. Notre courrier était le seul qui ne participât point à la joie générale ; car il était clair pour tout le monde, qu’il s’était malhabilement tiré de la mission qui lui avait été confiée.

La journée du lundi fut entièrement employée à l’équipement de la caravane. Tout le monde fut mis à contribution. Les uns travaillaient à la réparation de notre maison de voyage, on pour parler plus clairement, les uns rapiéçaient une tente de grosse toile bleue, pendant que d’autres nous taillaient une bonne provision de clous de bois. Ici on récurait un chaudron de cuivre jaune, on consolidait un trépied disloqué ; ailleurs on nous fabriquait des cordes, on rajustait les mille et une pièces des bâts de chameaux. Tailleurs, charpentiers, chaudronniers, cordiers, bourreliers ; gens de tout art et de tout métier abondaient dans la petite cour de notre habitation. Car enfin, grands et petits, tous nos chrétiens voulaient et entendaient que leurs Pères spirituels ne se missent en route que munis de tout le confortable possible.

Le mardi matin, il ne restait plus qu’à perforer les naseaux des chameaux, et faire passer dans le trou une cheville de bois qui devait en quelque façon servir de mors. Ce soin fut laissé à notre jeune Lama. Les cris sauvages et perçants que poussaient nos pauvres dromadaires, pendant cette douloureuse opération, eurent bientôt rassemblé tous les chrétiens du village. En ce moment notre Lama de-