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comme des œufs de poule, qu'on aurait placés, la pointe en l'air, dans les orbites. D'épais sourcils, au lieu de se dessiner horizontalement, partaient du bas des oreilles et allaient se joindre au milieu du front, de manière à former un angle obtus. L'idole était coiffée d'une espèce de conque marine, et brandissait, d'un air menaçant, une épée en forme de scie. Ce pou-sa avait, à droite et à gauche, deux petits acolytes qui lui tiraient la langue, et paraissaient se moquer de lui,

Au moment où nous allions nous coucher, nous vîmes venir vers nous un homme tenant à la main une petite lanterne de papier peint. Il ouvrit la porte en grillage qui fermait l'enceinte du miao, se prosterna trois fois, brûla de l'encens dans les cassolettes et alluma un lampion aux pieds de l'idole. Ce personnage n'était pas bronzé. Ses cheveux qui descendaient en tresse, et ses habits bleus, témoignaient qu'il était homme du monde. Quand il eut achevé ses cérémonies idolâtriqucs, il vint à nous. — Je vais, nous dit-il, laisser la porte ouverte ; vous serez mieux de coucher dans l'intérieur que sous le portique. — Merci, lui répondîmes-nous, referme ta porte ; nous sommes très-bien ici .. Pourquoi viens-tu de brûler de l'encens? Quelle est l'idole de ce petit miao ? — C'est l'esprit du Hoang-Ho qui habite ce miao. Je viens de brûler de l'encens afin que la pêche soit abondante, et que l'on puisse naviguer en paix. — Les paroles que tu viens de prononcer, s'écria l'insolent Samdadchiemba, ne sont que du hou-choue ( des paroles absurdes). Comment se fait-il que ces jours derniers, quand l'inondation est venue, les eaux soient entrées dans le miao et que ton pou-sa soit couvert de boue ?