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sapèques pour tant de travail, c'est endurer beaucoup de misère pour rien. — Tu as raison, c'est beaucoup de travail, on ne te dit pas le contraire ; mais enfin prononce quelques paroles qui soient un peu claires. Combien exiges-tu de sapèques ? — Oh! presque rien ; nous sommes tous des frères ; vous êtes des voyageurs, nous comprenons tout cela, nous autres. Tenez, nous devrions vous prendre gratis sur notre barque, ce serait notre devoir... ; mais voyez nos habits, nous autres nous sommes pauvres ; notre barque est tout notre avoir ; il faut bien qu'elle nous fasse vivre : cinq lis de navigation, trois hommes, un cheval, un mulet, des bagages... ; tenez, parce que vous êtes des gens de religion, nous ne prendrons que deux mille sapèques ... Le prix était exorbitant ; nous ne répondîmes pas un seul mot. Nous tirâmes nos animaux par la bride, et nous rebroussâmes chemin, feignant de nous en retourner. A peine eûmes-nous fait une vingtaine de pas que le patron courut après nous. — Seigneurs Lamas, est-ce que vous ne voulez pas passer l'eau sur ma barque ? — Si, lui répondîmes-nous sèchement ; mais tu es trop riche sans doute pour endurer un peu de misère. Si tu voulais louer ta barque, est-ce que tu demanderais deux mille sapèques ? —Deux mille sapèques, c'est le prix que je fais, moi ; vous autres, dites au moins combien. — Si tu veux cinq cents sapèques, partons vite ; il est déjà tard. — Revenez, Seigneurs Lamas, venez à l'embarcadère ; et il se saisit, en disant ces mots, du licou de nos animaux. Nous pensions que le prix était définitivement conclu ; mais à peine fûmes-nous arrivés sur les bords du lac, que le patron cria à un de ses compagnons. — Voyons, arrive ici ; aujourd'hui notre destiné