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terres inondées, mais c'était toujours avec une lenteur et une peine inexprimables. Nos pauvres chameaux étaient hors d'eux-mêmes ; la molle terre glaise qu'ils rencontraient partout sous leurs pas, ne leur permettait d'aller que par glissades. A voir leur tête se tourner incessamment de côté et d'autre avec anxiété ; à voir leurs jambes frissonner et la sueur ruisseler partout leurs corps, on eût dit à chaque instant qu'ils allaient défaillir.

Il était près de midi quand nous arrivâmes à un petit village ; nous n'avions fait encore qu'une demi-lieue de chemin, mais nous avions parcouru tant de circuits, nous avions décrit tant de zig-zag dans notre pénible marche, que nous étions épuisés de fatigue. A peine fûmes-nous parvenus à ce village, qu'un groupe de misérables à peine recouverts de quelques haillons nous environna, et nous escorta jusqu'à une grande pièce d'eau devant laquelle nous fûmes contraints de nous arrêter ; il n'y avait plus moyen d'avancer ; ce n'était de toute part qu'un lac immense qui s'étendait jusqu'à la digue qu'on voyait s'élever sur les bords du fleuve Jaune. Quelques bateliers se présentèrent et nous demandèrent si nous désirions passer l'eau. Ils s'engageaient à nous conduire jusqu'à la digue ; de là, disaient-ils, nous pourrions aller facilement jusqu'à la petite pagode, où nous trouverions un bac... Nous demandâmes au patron de la barque combien il prendrait de sapèques pour cette traversée. — Peu de chose, dit-il, presque rien. Nous pourrons prendre sur nos barques les hommes, les bagages, le cheval et le mulet ; un homme conduira les chameaux à travers le lac ; nos barques sont trop petites pour les recevoir. Vraiment, c'est bien peu de