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vieux Tartare ; le fleuve Jaune a débordé, depuis huit jours, d'une manière affreuse : les eaux ne sont pas encore retirées, elles inondent toute la plaine. ... Cette nouvelle nous fit frissonner ; car nous n'étions nullement préparés à trouver à Tchagan-Kouren un si sérieux obstacle. Nous savions bien que nous aurions à passer le fleuve Jaune, peut-être sur une mauvaise barque, et que cela serait d'un grand embarras à cause de nos chameaux ; mais nous n'avions jamais pensé nous trouver en présence du Hoang-Ho, à l'époque d'un de ses plus fameux débordements. Outre que la saison des grandes pluies était passée depuis longtemps, cette année, la sécheresse avait été à peu près générale. Ainsi il avait été impossible de s'attendre à une pareille crue d'eau. Cet événement surprenait aussi beaucoup les gens du pays ; car annuellement les débordements avaient lieu vers la sixième ou la septième lune.

Dès que nous eûmes appris cette fâcheuse nouvelle, nous nous dirigeâmes promptement hors la ville, afin d examiner par nous-mêmes, si les récits que nous avions entendus n'étaient pas exagérés. Bientôt nous pûmes nous convaincre qu'on nous avait dit exactement la vérité. Le fleuve Jaune était devenu comme une vaste mer, dont il était impossible d'apercevoir les limites. On voyait seulement de loin en loin, des ilots de verdure, des maisons, et quelques petits villages qui semblaient flotter sur les eaux. Nous consultâmes plusieurs personnes sur le parti que noua avions à prendre en cette déplorable circonstance. Mais les opinions n'étaient guère unanimes. Les uns disaient qu'il était inutile de penser à poursuivre notre route: que, dans les endroits d'où les eaux s'étaient retirées, la vase était si