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devenus chinois. — Votre manière de vivre a subi, il est vrai, quelque changement, mais votre cœur est toujours demeuré tartare ... Dans tout Tchayan-Kouren, nous n'avons pas rencontré une seule auberge chinoise qui ait voulu nous recevoir. — Ici le Tartare poussa un profond soupir, et secoua tristement la tête.

La conversation ne fut pas longue. Le chef de famille, qui avait remarqué l'excessive fatigue dont nous étions accablés, avait déroulé un large tapis de feutre, dans un coin de la salle ; nous nous y étendîmes, en nous faisant un oreiller de notre bras, et dans un instant nous fûmes endormis d'un sommeil profond. Probablement nous serions demeurés dans la même position jusqu'au lendemain matin, si Samdadchiemba n'était venu nous secouer pour nous avertir que le souper était prêt. Nous allâmes nous placer à côté de l'âtre, où nous trouvâmes deux grandes tasses de lait, des pains cuits sous la cendre, et quelques côtelettes de mouton bouilli, le tout disposé sur un escabeau qui servait de table. C'était magnifique ! Après avoir soupé lestement et d'excellent appétit, nous échangeâmes une prise de tabac avec la famille, et nous retournâmes prendre notre sommeil où nous l'avions quitté.

Le lendemain il était grand jour quand nous nous levâmes. La veille nous n'avions eu ni le temps ni la force de parler de notre voyage ; aussi nous nous hâtâmes de communiquer notre itinéraire au Tartare, et de lui demander ses conseils. Aussitôt que nous eûmes dit que notre projet était de traverser le fleuve Jaune, et de continuer notre route à travers le pays des Ortous, des exclamations s'élevèrent de toute part. — Ce voyage est impossible, dit le