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journalières et forcées lui donnaient pendant la nuit un sommeil que rien ne pouvait troubler. La chose allait si loin, que tous les matins nous avions beau aller et venir pour plier la tente et charger nos chameaux, Arsalan était toujours à l'écart, étendu parmi les herbes, et dormant d'un sommeil de plomb. Nous étions obligés de lui donner des coups pour l'avertir que la caravane allait se mettre en route. Une fois, un chien vagabond fit sans aucune opposition son entrée dans notre tente pendant la nuit, et eut le temps de dévorer notre bouillie de farine d'avoine, plus une chandelle, dont nous trouvâmes la mèche et quelques débris hors de la tente. Une considération d'économie finit enfin par calmer entièrement notre chagrin ; il fallait tous les jours à Arsalan une ration de farine, pour le moins aussi grosse que celle de chacun de nous. Or nous n'étions pas assez riches pour avoir continuellement assis à notre table un hôte de trop bon appétit, et dont les services étaient incapables de compenser les dépenses qu'il nous occasionnait.

D'après les renseignements qu'on nous avait donnés, nous devions arriver ce jour-là même à l' Enceinte-Blanche. Le soleil s'était déjà couché, et nous avions beau regarder au loin devant nous, on n'apercevait rien poindre à l'horizon qui annonçât la présence d'une ville. Enfin, nous découvrîmes dans le lointain comme des nuages épais de poussière qui semblaient s'avancer vers nous. Peu à peu nous vîmes clairement se dessiner les grandes formes de nombreux chameaux conduits par des commerçants turcs ; ils transportaient à Péking des marchandises venues des provinces de l'ouest. L'aspect de notre petite