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ne fallut rien moins que la grande activité et les rares talents diplomatiques de l'empereur Khang-Hi, pour en arrêter les progrès. Il entama promptement des négociations avec le Talé-Lama, souverain du Thibet. Celui-ci devait user de toute son influence sur les Lamas pour les faire rentrer dans l'ordre, pendant que Khang-Hi intimiderait les rois Khalkhas par la puissance de ses troupes. Peu à peu la paix se rétablit ; les Lamas reprirent leurs habits jaunes et rouges ; mais, pour garder un souvenir de leur coalition en faveur du Guison-Tamba, ils ont conservé une bordure noire, de la largeur d'un pouce, sur le collet de leur robe. Les Lamas Khalkhas sont encore les seuls aujourd'hui qui portent cette marque de distinction.

Depuis cette époque, un Hobilyan a remplacé dans la Ville-Bleue le Guison-Tamba, qui s'est définitivement installé au Grand-Kouren, dans le pays des Rhalkhas. Cependant l'empereur Khang-Hi, dont le génie pénétrant se préoccupait sans cesse de l'avenir, n'était pas entièrement satisfait de tous ces arrangements. Il ne croyait pas à toutes ces doctrines de transmigration, et il voyait clairement que les Khalkhas, en prétendant que le Guison-Tamba avait reparu parmi eux, n'avaient d'autre but que de tenir à leur disposition une puissance capable de lutter, au besoin, contre celle de l'Empereur chinois. Casser le Guison-Tamba eût été d'une audace périlleuse. Il songea donc, tout en le tolérant, à neutraliser son influence. Il décréta, de concert avec la cour de Lha-Ssa, que le Guison-Tamba était reconnu légitime souverain du Grand-Kouren, mais qu'après ses morts successives, il serait toujours tenu d'aller transmigrer dans le Thibet... Khang-Hi espérait avec