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du dîner que doit payer l'acheteur ; puis ils reçoivent un certain nombre de sapèques, conformément aux usages des diverses localités.

Dans la Ville-Bleue, il existe cinq grandes lamaseries, habitées chacune par plus de deux mille Lamas ; en outre on en compte une quinzaine de moins considérables, et qui sont comme les succursales des premières. Sans crainte d'exagération, on peut porter au moins à vingt mille le nombre de ces Lamas résidants. Quant à ceux qui habitent les divers quartiers de la ville, pour s'occuper de commerce et de maquignonnage, ils sont innombrables. La lamaserie des Cinq-Tours est la plus belle et la plus célèbre ; c'est là que réside un Hobilgan, c'est-à-dire un grand Lama, qui, après s'être identifié avec la substance de Bouddha, a déjà subi plusieurs fois les lois de la transmigration. Il est aujourd'hui placé dans la lamaserie des Cinq-Tours, sur l'autel qu'occupait autrefois le Guison-Tamba ; il y monta à la suite d'un événement tragique qui faillit opérer une révolution dans l'empire.

L'empereur Khang-Hi, dans le cours de la grande expédition militaire qu'il fit en occident contre les Oelets, traversa un jour la Ville-Bleue, et voulut aller rendre visite au Guison-Tamba, qui était alors le grand Lama des Cinq-Tours. Celui-ci reçut l'Empereur sans se lever de dessus le trône qu'il occupait, et sans lui donner aucun témoignage de respect. Au moment où Khang-Hi s'approchait pour lui parler, un Kian-Kiun, grand Mandarin militaire, indigné du peu d'égard qu'on avait pour son maître, tira son sabre, fondit sur le Guison-Tamba, et le fit rouler mort sur les marches de son trône. Cet événement tragique