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ces ouragans, la pluie ne se fait pas longtemps attendre. Mais alors on la redoute plus qu’on ne la désire ; car d’ordinaire elle tombe avec fureur. Quelquefois le ciel se brise et s’ouvre brusquement, en laissant échapper tout à coup, comme une immense cascade, toute l’eau dont il était chargé ; bientôt les champs et les moissons disparaissent sous une mer boueuse, dont les énormes vagues suivent la pente des vallées, et entraînent tout sur leur passage. Le torrent s’écoule avec vitesse, et quelques heures suffisent pour que le sol reparaisse. Mais plus de moissons, presque plus même de terres végétales. Il ne reste que des ravins profonds, encombrés de graviers, et où il n’y a plus d’espérance de pouvoir désormais faire passer la charrue.

La grêle tombe fréquemment dans ce malheureux pays, et souvent elle est d’une grosseur extraordinaire. Nous y avons vu des grêlons de la pesanteur de douze livres. Il suffit quelquefois d’un instant pour exterminer des troupeaux entiers. En 1843, pendant le temps d’un grand orage, on entendit dans les airs comme le bruit d’un vent terrible ; et bientôt après il tomba dans un champ, non loin de notre maison, un morceau de glace plus gros qu’une meule de moulin. On le cassa avec des haches, et quoiqu’on fût au temps des plus fortes chaleurs, il fut trois jours à se fondre entièrement.

Les sécheresses et les inondations occasionnent quelquefois des famines qui exterminent les habitants. Celle de 1832, douzième année du règne de Tao-Kouang[1], est

  1. Sixième empereur de la dynastie tartare-mandchoue. Il occupe aujourd’hui le trône impérial. — Il est mort en 1851. Son fils âgé de dix-neuf ans lui a succédé et a