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que nous avions déjà marchandés. Nous fîmes donc emplette de deux antiques et vénérables robes de peaux de mouton recouvertes d'une étoffe que nous soupçonnâmes avoir été jadis de couleur jaune. Nous en fîmes immédiatement l’essai ; mais nous nous aperçûmes bientôt que le tailleur de ces habits n'avait pas pris mesure sur nous. La robe de M. Gabet était trop courte, celle de M. Huc était trop longue. Faire un troc à l'amiable était chose impossible ; la taille des deux Missionnaires était trop disproportionnée. Nous eûmes d'abord la pensée de retrancher ce qu'il y avait de trop à l'une, pour l'ajouter à l'autre ; cela paraissait très-convenable. Mais il eût fallu avoir recours à un tailleur, et attaquer encore notre bourse... Cette considération fit évanouir notre première idée, et nous nous décidâmes à porter nos habits tels qu'ils étaient. M. Huc prendrait le parti de relever aux reins, par le moyen d'une ceinture, le superflu de sa robe ; et M. Gabet se résignerait à exposer aux regards du public une partie de ses jambes : le tout n'ayant d'autre inconvénient que de faire savoir au prochain, qu'on n'a pas toujours la faculté de s'habiller d'une manière exactement proportionnée à sa taille.

Munis de nos habits de peaux de mouton, nous demandâmes au fripier de nous étaler sa collection de vieux chapeaux d'hiver. Nous en examinâmes plusieurs, et nous nous arrêtâmes enfin à deux bonnets en peau de renard, dont la forme élégante nous rappelait les hauts schakos des sapeurs. Quand nos achats furent terminés, chacun mit sous le bras son paquet de vieux habits, et nous rentrâmes à l'hôtel des Trois-Perfections.