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le poids de cinquante-deux onces... Le Tartare passant alors sa main dans une de ses bottes, en retira un petit paquet ; et après avoir déroulé plusieurs enveloppes de chiffons, il montra un papier au Mandarin. — Voici, dit-il, un billet que j'ai reçu à la boutique, et qui atteste la valeur et le poids de mon youen-pao. — Qu'on m'apporte ce billet, s'écria le Mandarin... Quand il l'eut parcouru des yeux, il ajouta avec un sourire plein de malice : d'après le témoignage même du commis qui a écrit ce billet, cet homme mongol a vendu un youen-pao pesant cinquante onces... Ce lingot de faux argent est du poids de cinquante-deux onces... Où est la vérité ? où sont les faux monnayeurs ?... La réponse à ces questions n'était une difficulté pour personne : chacun savait, le Mandarin savait très-bien lui-même, que le Tartare avait en effet vendu un youen-pao faux, et que la différence du poids ne provenait que de la fraude du commis. N'importe, en cette circonstance, le magistrat chinois voulut rester dans la légalité ; et contrairement à la justice rendit son jugement en faveur du Tartare mongol. Les gens de la maison de change furent roués de coups ; et ils eussent été mis à mort comme faux monnayeurs, si à force d'argent ils n'eussent apaisé la colère du Mandarin, et arrêté la rigueur des lois.

Ce n'est que dans quelques circonstances rares et extraordinaires, que les Mongols parviennent à avoir le dessus sur les Chinois. Dans le cours habituel des choses, ils sont partout et toujours dupes de leurs voisins qui, à force d'intrigues et d'astuce, finissent par les réduire à la misère.

Aussitôt que nous eûmes des sapèques, nous songeâmes à